Ce que vous devriez savoir sur le karoshi
Karoshi. Ce terme tout droit venu du Japon est encore peu connu du grand public en France. Il fait pourtant aussi partie de notre réalité.
Karoshi signifie « mort subite par surcharge de travail ». Il s’agit donc d’un décès, brutal, imprévu, la plupart du temps par crise cardiaque, ou bien par suicide, et directement lié à ce que l’on pourrait appeler une « overdose de travail ».
C’est en 1969 que la surdose de travail a pour la première fois été reconnue comme la cause de la mort d’une personne, un japonais de 29 ans. Cela fait donc près de 50 ans que cette cause de mortalité est comprise comme telle au Japon. Elle y est même reconnue comme maladie professionnelle.
Ce même pays tient des statistiques “épidémiologiques” depuis la fin des années 80. Est-ce que le phénomène augmente ? Visiblement oui, bien qu’il soit difficile de déterminer si ce sont les cas qui augmentent ou leur diagnostic en tant que karoshi…
L’overdose de travail est établie lorsque le temps de travail de la personne décédée a été clairement excessif : l’événement fatal a lieu à la suite d’un temps de travail extrêmement long à l’échelle d’une semaine, ou d’une « journée » (sans sommeil).
Retenons que parmi les risques sanitaires liés au travail, il est dépassé de considérer qu’il y aurait des risques physiques et des risques psycho-sociaux. Le karoshi montre bien le pont entre un comportement d’abus, de surtravail, d’addiction au travail* peut-être, par forçage de son propre corps ; et sa traduction en accident, prenant la forme d’une impulsion, soit du corps, soit de l’esprit, qui disjoncte.
Quand il n’y a que la prévention
Ce serait illusoire de penser que ces accidents sont liés à une maladie (un problème cardiovasculaire ou une dépression diagnostiquables en amont) ou bien qu’une personne voulant travailler sans arrêt pourra se renforcer par un quelconque traitement.
Le fait est que nous ne pouvons pas, sans risque fort et direct pour notre santé, repousser les limites du corps humain en empêchant son repos.
Mais il est possible de prévenir le karoshi, en tant qu’accident lié à une cause connue, puisqu’il est simple de mesurer le temps de travail quotidien. Reste à sensibiliser chacun, cadre ou non-cadre, à la réalité du karoshi ayant déjà tué des milliers de personnes obnubilées par leur travail, et du risque qu’il prend s’il en vient à oublier de mesurer son propre temps de travail.
Bien évidemment, relier cette cause de mortalité à la recherche éperdue de productivité des entreprises est correct. Cela apparait aussi comme un effet pervers de nouveaux modes d’organisation (responsabiliser chacun en l’absence de managers intermédiaires, sans imposer un nombre d’heures de travail mais la réalisation d’objectifs ; alors même que les salariés sont habitués à fournir « beaucoup » pour fournir « bien »). D’autres corrélations existent… Mais c’est aussi à l’échelle individuelle que cela se joue, et c’est sur ce point que se concentre cet article.
Comment garder performance et… tête froide
Cette issue qu’est la crise cardiaque ou le suicide n’existe dans le cas du karoshi que parce qu’il fallait une issue… Parce qu’il y avait surchauffe.
La prévention individuelle passe donc par la conscientisation de son implication dans son travail, qui doit être prégnante, mais pas inhumaine. Or, le candidat au karoshi a cette particularité de ne plus s’écouter lui-même…
Si vous constatez qu’un proche force à l’extrême son corps et son esprit pour qu’ils travaillent plus longtemps, vraisemblablement au-delà de leurs limites, vous devez l’aider à s’interroger. Parvient-il à répondre à l’une de ces séries de questions ? :
• Quel est mon temps de travail ?
• Pourquoi ne parviens-je pas à me donner un temps de récupération ?
• Pourquoi est-ce que je n’entends plus mon stress, ma faim, mon sommeil ?
• Pourquoi la réussite de mes objectifs professionnels est prioritaire sur mon intégrité ?
• Quel est mon temps de travail?
• Quels sont les enjeux, tous les enjeux ?
• Quels sont les risques, leurs gravités et leurs probabilités d’occurrence ?
• Quelles autres méthodes existent et pourraient diminuer les risques prioritaires ?
Ce n’est pas chose facile que de répondre à ces questions, quand on a « la tête dans le guidon »… C’est pourquoi le rôle des proches (famille, amis, collègues, supérieurs) sera de convaincre la personne de se faire accompagner, pour trouver une solution qui la mette hors de danger tout en restant professionnellement satisfaisante pour elle.
(*) Le karochi peut être le signe d’une addiction selon le mode de consommation “binge”. Comme existent le binge drinking, le binge eating (hyperphagie), le binge sexing,… voici le binge working : travailler sans relâche, jusqu’à n’en plus pouvoir. Pour cela, je vous invite à lire cet autre article : Aider une personne à sortir de la drogue.
A bientôt !
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Cet article est cité dans le Bulletin de Veille d’avril 2015 de l’ALSMT (Association Lorraine de Santé en Milieu de Travail), rubrique Risques Psychosociaux.
Il est repris intégralement sur le site Miroir Social (réseau d’information sociale), et sous forme d’interview, par Erick Haehnsen, sur le site L’Info ExpoProtection.
Il est également retraduit par le rédacteur du blog Abisco (information protection équipement).
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Le mal-être au travail est un élément très souvent évoqué par des travailleurs de plus en plus nombreux, et effectivement, de nombreuses enquêtes font état d’une hausse constante de la fréquence et de l’intensité des facteurs de stress causé par certaines méthodes de management, la mauvaise gestion des ressources humaines et les contraintes organisationnelles : des mesures de prévention sont indispensables.